CVR-BURUNDI: LE PARTI POLITIQUE DU HEROS DE L’INDEPENDANCE CONTESTE SA RESPONSABILITE SUR LES CRIMES DE «1972» ET DEMANDE PLUTOT CONSOLATION MORALE

CVR-BURUNDI: LE PARTI POLITIQUE DU HEROS DE L’INDEPENDANCE CONTESTE SA RESPONSABILITE SUR LES CRIMES DE «1972» ET DEMANDE PLUTOT CONSOLATION MORALE

Les responsables de la Commission Vérité et Réconciliation du Burundi, CVR en sigle, faisant suite à la demande des leaders du parti UPRONA (Union pour le Progrès National), ont organisé une rencontre d’échange avec ces derniers, le jeudi 8 septembre 2022. Cette rencontre s’est tenue dans la salle des conférences de l’Hôtel Roca Golf sis à Bujumbura, à quelques mètres de la Permanence Nationale du parti UPRONA «Ku Mugumya».

Cet échange opposait les leaders nationaux et provinciaux de ce Parti et les responsables au haut niveau de la CVR. Ceux-ci l’avaient sollicité pour contester toutes les allégations portées contre ce Parti sur sa responsabilité sur les crimes dits de «1972». Ils ont demandé plutôt consolation morale.

Parmi les leaders du parti UPRONA qui ont pris part à cette rencontre figuraient le Président de ce Parti, Monsieur Olivier Nkurunziza, Honorable Abel Gashatsi, un député élu pour le compte de ce parti et Vice-Président de l’Assemblée Nationale. Siégeait aussi à cette rencontre Madame Concilie Nibigira, ancienne Présidente de ce Parti, Ambassadeur Gérard Nduwayo, et bien d’autres leaders de ce Parti.

Le Président de la CVR, l’Ambassadeur Pierre Claver Ndayicariye, a rappelé que la vérité retrouvée sur les crimes de «1972» est lourde, cette vérité cachée pendant près de 50 ans, mais qu'elle devra éclater au grand jour grâce aux enquêtes de la CVR et aux auditions des acteurs de cette crise qui ont même témoigné devant la Commission, ainsi qu'aux exhumations et découvertes des archives trouvées ici et là dans le pays.

Monsieur l’Ambassadeur, sur base de la présentation du récent rapport d’étape de la CVR et d’un film documentaire projeté au cours de cette rencontre, il a fait remarquer que la connaissance de la vérité ne sauve pas seulement les orphelins des crimes de «1972» qui souffrent d’avoir perdu leurs parents, mais qu'elle est aussi profitable aux enfants des auteurs de ces crimes qui, eux aussi, souffrent en apprenant ce qu’ont fait leurs parents.

Il a souligné que si des responsabilités ont été établies, cela relève de l’obligation légale exigible à la CVR, une responsabilité peut être celles des institutions, des individus et des organisations. C'est ici qu'il a mentionné les hautes autorités de l’UPRONA de l’époque dans les enquêtés effectuées par la CVR pour avoir participé dans les massacres de 1972.

Il a rétorqué que les preuves sont disponibles dans les archives de la CVR, avec des exemples nominatifs des anciens partisans du mouvement «Jeunesse Révolutionnaire Rwagasore» (JRR) vus de loin ou de près par des témoins oculaires, en train de commettre des répressions.

Il a néanmoins tranquillisé les actuels leaders de l’UPRONA en disant qu'ils ne devraient, eux, s’inquiéter de rien, car les résultats des enquêtes de la CVR ne concernent que les leaders de l’époque des violences. Par ailleurs, ce Parti politique l'UPRONA, en tant qu’ainé dans la politique nationaliste du pays et un Parti politique qui fut un acteur majeur dans la conquête de l'Indépendance du Burundi, il n’a aucun intérêt à continuer à perdre son influence après la fin de la guerre civile, du moins selon l'avis du Président de la CVR.

En réplique à ces «allégations» formulées contre l'UPRONA, les actuels leaders de ce Parti ont apporté une réponse qui a semblé éclairer les participants à la rencontre. Au nom du Parti, ce fut Monsieur Olivier Nkurunziza, son Président, qui a pris la parole en premier. Il a dit que le parti UPRONA ne devrait pas être imputable aux crimes de «1972», car à cette épisode, le Parti n’avait aucune main mise ni sur l'opinion publique ni sur ses partisans, encore moins sur les affaires publiques et de l’Etat.

Selon lui, depuis que le créateur de ce parti fondé en 1958 ait été assassiné, le Prince Louis Rwagasore (1961), et que le coup d’Etat joué contre le dernier roi du pays, Charles Ndizeye (du nom royal de Ntare-V) ait aboutit à son renversement par le capitaine Michel Micombero (qui proclama la République dont il devient le premier président), l’assassinat du roi en Avril 1972, tout cela a provoqué du chao: la constitution a été abolie, toutes les institutions étatiques et du Parti au pouvoir déchues pour être placées dans les mains du Conseil Supérieur de la République mis en place par des militaires membres de ce conseil.

Selon  Monsieur Olivier Nkurunziza, devant tout ce chao, le Parti UPRONA n’en pouvait rien, d’autant plus que tout le pays était dans les mains des militaires membres de ce conseil qui s’étaient accaparés de tout le pouvoir national jusqu’à commettre ces crimes. Pour ceux qui avancent la raison du monopartisme de l’époque, il a nuancé le Parti unique au Parti-Etat. De tous ces faits, il a alors réclamé, de la part de la CVR, rectification de toutes les allégations déjà formulées dans ses rapports.

Il a dit: «il faut chercher la responsabilité ailleurs car dans l’idéologie du Parti UPRONA, nulle part n’est signalé le recours à la violence; par ailleurs, tout le pays étant sous le régime du monopartisme, donc tous les burundais étant par conséquent des "Badasigana" (partisans de), le parti ne pouvait pas tuer lui-même les siens, dont ses propres dirigeants au plus haut sommet». Pour lui, c’est plutôt en faveur de l’UPRONA que la CVR devrait réclamer consolation morale au lieu de lui coller tous les maux!

Cette disposition a été étayée par d’autres leaders du parti UPRONA, dont les prédécesseurs de Monsieur Olivier Nkurunziza à la Présidence du Parti. Monsieur Abel Gashatsi et Madame Concilie Nibigira. Ils se sont indignés que tous ces rapports aient été produits sur base des confusions, et que la non-considération de l’avis des leaders de ce parti a occasionné des accusations abusives.

Tout en se demandant comment l’opinion déjà «mal informée» sera désillusionnée, ils n'ont pas trouvé juste de guérir les âmes des uns, les membres de familles des victimes des crimes de «1972», en blessant par le fait de l’enquête les âmes des autres, les membres des familles des présumés auteurs, tous d'une même Nation. Eux aussi ils ont réclamé rectification de tous les rapports de la CVR où le Parti UPRONA ait été cité dans ce sens.

Le Président de la CVR, en réaction à cette réplique, il a pointé le doigt sur le fait que l’UPRONA n’a jamais dénoncé les crimes de «1972» lui attribuée, ni montré les fosses communes qui ont englouti des milliers de Burundais, d’où l’interrogation est restée entière sur le rôle joué par l'UPRONA en tant que parti politique.

Au terme de la rencontre, le Président de la CVR a salué la courtoisie affichée par les leaders du Parti UPRONA durant les échanges, reconnaissant que le rapport déjà produit n’était qu’un rapport d’état sur les cas déjà enquêtés, il a signalé la nécessité d’intégrer leurs points de vue dans le rapport final à venir après avoir exploité les cas restants, les crimes de «Ntega et Marangara», et la guerre civile de «1993».

En attendant l'achèvement de toute l'enquête de la CVR, il a tout de même été recommandé  plutôt une retraite interne au Parti UPRONA, afin que ses leaders l'aide à retravailler positivement son image déjà ternie.

Michel Nibitanga, CEDICOM