L'UBUNTU (HUMANITE REUSSIE). SES ROSES ET SES EPINES AU BURUNDI
Le vendredi 6 novembre 2020, l'Abbé Adrien Ntabona a présenté son ouvrage intitulé «L'UBUNTU (Humanité réussie).Ses roses et ses épines au Burundi», (comme ci-haut indiqué sur la photo de couverture) au Centre Culturel «Bwenge nyabwo» sis à Mutanga-Sud dans la salle très proche de l'église de la paroisse Esprit de Sagesse communément appelé «Kwa Ntabona».
Selon l'auteur, il a eu l'idée d'écrire ce livre grâce à Claude Mugabo (qui est congolais même si son nom sonne rundi). Ce dernier était à la messe, quand il a entendu le prêtre prononcer le mot Ubuntu, il n'a pas compris et a voulu se renseigner du sens. Alors ce prêtre lui a dit : «Allez chez Ntabona». Voilà donc la stimulation pour l'auteur qui, dès lors, a entrepris d'écrire le livre sur l'Ubuntu.
Il a rédigé ce livre en pensant au rosier. Le rosier a quelque chose de positif et de négatif: les roses et les épines. Il y a d'ailleurs un adage qui dit qu'il n'y a pas de roses sans épines. Le rosier est comparé à la culture burundaise, les roses sont dans ce contexte ses forces et les épines ses faiblesses. Il a invité ses auditeurs à lire en adaptant ce qu'ils lisent à la vie de tous les jours et surtout à s'en servir pour l'éducation de leurs enfants. L'Ubuntu comporte une volonté d'élévation. L'Ubuntu, selon l'Abbé Ntabona, est un souci commun presqu'à tout le continent africain. Il y a d'ailleurs au Gabon un Centre International de Civilisation Bantu.
Il a montré combien dans la tradition burundaise, pour être appelé une personne, on doit être caractérisé par l'Ubuntu, et il y a des conditions pour cela: le sens de la vie intérieure, la conscience (umutima), le sens de la dignité humaine (iteka), le sens de l'engagement (ibanga), l'acceptation dynamique de la souffrance (ukwiyumanganya). Selon l'auteur, au plan social, le voisinage est très important, ici chez nous nous considérons le voisin comme un membre de la famille. Il y a aussi la dynamique du partage, la dynamique d'entraide, la dynamique du dialogue, l'écoute de l'autre, l'hospitalité et bien d'autres valeurs.
Le rosier dont il est question n'a pas que des roses. Il comporte également des épines. Celles-ci sont pour la plupart le fruit de la colonisation (la politique divisionniste qui a fait beaucoup de morts et de blessés dans notre petit beau pays !) même si la responsabilité des burundais n'est pas à exclure. Avant la colonisation, il y avait le système d'ubugabire (structure de clientèle ayant des contraintes profitant souvent au plus fort) et d'ubugererwa (l’allocation des terres). Pour dire patron, on utilise le terme shobuja qui veut dire ton père dans la servitude, ce qui veut donc dire que la protection de suzerain était la seule qui permettait à quelqu'un de faire carrière.
Est ensuite arrivé le moment d'intervention des auditeurs. Parmi les intervenants, Germain Nkeshimana qui fut l'ambassadeur du Burundi à Moscou et à Nairobi a souligné le défi d'aliénation de beaucoup d'Africains qui sont fiers d'avoir d'autres nationalités (surtout celles des occidentaux) excepté les leurs. Il a appelé à la fierté africaine pour le renforcement de l'Ubuntu. De surcroît, selon lui, il serait mieux d'écrire en langue nationale le Kirundi.
De son côté, Claude Mugabo appelle à la culture universelle car selon lui, en nous créant, Dieu a mis dans chacun de nous cette semence de l'universel qui est l'Ubuntu. Et donc, connaître sa propre langue et sa culture ne doit pas constituer une limite à la connaissance d'autres langues et des cultures étrangères. Cela dit, il faut d'abord aimer et maîtriser sa propre langue et sa propre culture avant de vanter celles étrangères.
Les questions qui lui ont été posées par les journalistes présents étaient essentiellement de savoir le pourquoi de ce livre, et le remède qu'il apporte aux crises répétitives qui ont tant ravagé notre pays. Selon, l'auteur, celles-ci sont venues des autres et de nous. Elles sont d'abord venues de la colonisation, mais nous y avons mis notre part non négligeable. Nous sommes responsables de nos malheurs. Le remède n'est pas immédiat. C'est un long processus pour s'en sortir. Nous devons d'abord lutter contre nous-mêmes, il s'agit de l'effort de soi sur soi.
Il faut dépasser les liens pour être ouverts les uns aux autres. Il faut dépasser l'inimitié recommandée par la tradition, celle-ci ayant entre autres les épines recommandant d'aimer les amis et haïr les ennemis (gukunda umukunzi no kwanka umwansi). C'est le phénomène d'altérité négative (umwana w'uwundi) et celui de l'inimitié recommandée (ukwanka umwansi). Ainsi, il y a certains proverbes qui appellent à entretenir la haine dans les cœurs comme par exemple umurundi aguhisha ko akwanka ukamuhisha ko ubizi (le burundais te cache qu'il te hait et toi tu lui caches que tu le sais). Signalons que les épines ne sont pas que celles-là.
Pour mettre fin à ce fléau ravageur qui pèse sur notre culture, l'amour inspiré par l'Evangile doit être constamment pratiqué. L'éthiculturation évangélique conduira indubitablement à un supplément d'Ubuntu. Nous ne pouvons pas ne pas dire, pour clore, que le livre a été bien accueilli par ceux qui étaient présents.
Abbé Olivier NDAYISABA, CEDICOM